"2017: il me vient la nécessité étrange d’écrire un album solo. Le piano et moi, personne d’autre. J’ignore totalement pourquoi.
Je décide alors de m’auto-confiner chez moi. Un tout petit appartement niché au dessus du Parc de Belleville. Je ne sors presque pas. Je cherche le sens de cet appel du Solo. « Solo ». Seul. Je pense à Wyatt, à Daniel Johnston, à Monk, à Mal Waldron. Je cherche à traverser la solitude certainement mais je n’y trouve rien d’autre qu’elle.
Il y’a, tous les matins en dessous de ma fenêtre des dames chinoises qui s’exercent à la danse sur le terrain de basket, sous les arbres. Je commence à les épier puis à les filmer tous les jours pendant 1 an avec mon téléphone.
Elles sont mon seul rendez-vous avec le dehors. Je les attends tous les matins, imagine leur vies. Sont-elles des danseuses nord-coréennes se préparant pour la parade du « Leader »? Elles entrent dans mes chansons. Ma fenêtre devient une longue vue sur un monde répétitif et changeant avec les saisons. Je scrute l’arrivée d’un flocon de neige, d’un bourgeon, d’un enfant se transformant en adolescent au fil des mois. Cet endroit devient une falaise, un théâtre, une forêt, une ville entière. J’écris des chansons sur de tout petites choses qui me paraissent à moi, immenses.
Me vient, au fil du temps et de mes videos « pirates » du terrain de basket tournées tout au long de l’année, l’idée d’un « film-album » où l’extérieur s’inviterait à l’intérieur.
J’en parle à Yvan Schreck. Nous le réaliserons ensemble.
Je descends de ma fenêtre et pars timidement à la rencontre de mes dames chinoises, de mes idoles pour leur proposer de jouer dans notre film. Elles accepteront.
La rencontre l’aura emporté sur la solitude. Je fais ce « film-album solo » entouré de plus de gens que je n’en ai jamais réuni pour un disque.
Ce film n’a encore jamais réellement vu le jour, il est lui aussi resté confiné en attendant de trouver sa place, sa Fenêtre.
2020: me voilà reconfiné mais cette fois nous sommes des milliards derrière nos fenêtres. Personne sur les terrains de basket sauf les arbres et les oiseaux. De toute manière je n’y habite plus.
J’aimerais croire que ce film et ces chansons leur feront passer le temps.
« je chante pour passer le temps, comme on dessine sur le givre, comme on se fait le coeur content » (Aragon)"